Une syzygie du cœur, du corps et de l'esprit

Carnet de vie

Portrait de famille

Il y a cette pièce. Un bocal où l’on plonge son corps et où l’on baigne au milieu des souvenirs. Des photos montrent un couple et leurs enfants, ils semblent appartenir à une autre époque. Ils sont heureux.

Il y a aussi ce tableau inachevé. Le noir et blanc, les traits épais et les aplats hésitants semblent avoir été tracés au fusain.
On y voit un mur sur lequel on devine des motifs légers, presque transparents, ce sont ceux d’un papier peint à fleurs. Par-ci et là, on remarque des morceaux décollés par petits bouts.

Dans le futur, on dira que ça fait vintage. Ça plaira aux photographes.

Au centre du tableau, se dresse une porte qui mène vers une cuisine. Un homme est assis à une table, de face, tête baissée et cigarette à la main. Il y a longtemps, il a très certainement abandonné une vie qui à défaut de le combler lui avait assuré un certain confort.
Il est venu de loin, écoutant les chants de l’Occident et porté par les promesses d’un avenir meilleur pour sa descendance.

Cet homme souffre. Son travail est difficile. En été le soleil est foudroyant et transforme l’atelier en un four. L’air est suffoquant, l’acier manipulé est brûlant. L’hiver laisse place au silence, à un semblant de quiétude. Il est trompeur, car le froid agit tel un venin insidieux. Il souffre. Mais pas de ça.  Le mal qui s’est emparé de lui ne se soigne pas comme on soigne les maux du corps.

C’est la maladie qui dévore les liens du sang.

L’encadrement de la porte laisse deviner deux mains,  elles sont posées sur la table. Ce sont celles de son épouse. Elle est là pour lui, elle l’a toujours été.  Alors ils vont lutter, et avec le soutien de leurs enfants, ils apprendront à surmonter cette maladie. Celle qui a faim des liens du sang.

Et maintenant ?

Je m’avance vers le tableau. Les traits ne sont plus si épais, les aplats ne sont plus si hésitants. « Maman, papa, je suis là. »

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